Miss, myself & I

Le buzz des vanités

Mon téléphone s’est mis à vrombir frénétiquement en pleine soirée. Je recevais une avalanche de messages… Que se passe t-il ? Un attentat, une autre Kardashian agressée, la fin du monde… presque.

Un coup de tonnerre ébranle le petit monde secret de la poupée.

La chaîne Non Stop People diffuse une annonce au titre ravageur « Céline Dion victime d’une arnaque » relayée par la presse française et québecoise. Et je n’en crois littéralement pas mes oreilles à l’annonce de la dénomination Magia 2000, créateurs incontournables de notre petit monde. Les voilà plongés dans le grand bain de la célébrité mais pas forcément de la meilleure manière.

L’histoire est malheureuse et l’erreur fortuite. Une photo fait le tour de la toile. Céline Dion tient une poupée à son effigie d’une main et le livre designers italiens de l’autre . Pas maquillée ni coiffée affichant même un sourire gêné, elle ressemble à une femme sandwich un peu prise de cours. Les fans de la star planétaire s’insurgent, la poupée ne ressemble pas à la star. L’impresario se manifeste, se sent trahi et n’a aucunement autorisé cette rencontre. Le terme arnaque est balancé, on a volé l’image de la star.

Céline Dion et la poupée à son effigie

Lors d’un essayage chez Armani Privé, un tailleur travaillant pour la marque de luxe a présenté la poupée et le livre des créateurs qui ont ensuite validé l’opération sur les réseaux sociaux. Une opportunité de relations publiques énorme et gratuite. Qui s’en priverait ? Un coup de pub qui se transforme en coup de « pute » ? S’en suit un passage dans la grande lessiveuse médiatique. Tout le monde répercutant les âneries des autres avec au final une mauvaise publicité pour Barbie (encore une fois), une décrédibilisation des objectifs des créateurs et un peu de pitié pour la chanteuse.

Sous la farce et le côté bon enfant de ce micro-événement, on peut gratter un peu le vernis luisant des vanités numériques. Il faut se rendre à l’évidence, le monde de la poupée est un ersatz minuscule du monde de la mode. Il y a des vrais talents et des faux talentueux le tout entouré dans une belle omerta.

Comme dans tout milieu créatif, les egos s’entrechoquent, les attitudes sont grandiloquentes, les compliments poussés à l’extrême et les critiques se font dans le dos mais rarement les langues se délient. Je pense et je n’ai pas honte de le dire que l’on a été nombreux à trouver cette poupée Céline Dion peu flatteuse et que la loi du silence s’est imposée par peur des revanches via les réseaux sociaux (et encore maintenant, les blogueurs si actifs d’habitude demeurent muets et/ou abasourdis). J’ai déjà parlé de ce phénomène de cour et de courtisans qui va à l’encontre de mes valeurs mais que je suis bien obligée de supporter (avec de plus en plus de mal).

Objectivement et pour parler technique, je ne vois pas un moule de Barbie qui corresponde à Céline Dion. La tâche s’annonçait donc ardue pour créer une ressemblance. Le défi technique étant écarté reste la recherche de la performance médiatique et c’est à ce moment là que la vanité l’emporte.

Les réseaux sociaux sont des miroirs déformants et de surcroît ultra rapides. Dans cet amalgame d’infos, Barbie en fait encore une fois les frais, celle que l’on aime lyncher pour le fun, la vedette des « bullies »/médias. Mattel passe pour le méchant géant capitaliste qui ne contrôle rien et produit moche. Les créateurs vont devoir redoubler d’efforts pour tirer leur nom hors de la boue médiatique pour une seconde de gloire (le temps se réduit comme peau de chagrin, on est loin des 15 minutes prônées par Andy Warhol) et Céline Dion passe pour une la fille bien conciliante.

La course à la célébrité

Nous les collectionneurs nappons le monde de la poupée d’un sirop sucré parsemé de licornes multicolores, c’est dans notre ADN, nous sommes des grands enfants. Pour avoir discuté avec un designer Mattel, j’ai bien compris que tout se résumait à du marketing avant tout et à une créativité digne d’un tableau Pinterest. Nous, les collectionneurs sommes les seuls gardiens du rêve, ne perdons pas cela de vue. Ne franchissons pas la ligne entre le rêve et la réalité.

Avoir un cliché d’une célébrité fera t-il de vous le meilleur des collectionneurs. Y’a t-il un classement, remet-on des récompenses pour avoir bien collectionné ? Doit-on défiler sur un tapis rouge ensuite ? Si vous n’avez pas la Barbie Karl Lagerfeld, êtes-vous un « has been » ?

Je ne prétends pas être la Eleanor Roosevelt de ce milieu et porter mes valeurs moralisatrices en bandoulière. Il m’est arrivée de foncer sans réfléchir acheter une exclusivité histoire de ne pas être la dernière à se faire avoir. Moi aussi bien des fois, j’ai affiché une mine de pauvre fille, lapin bête pris dans les phares de la cupidité.

Cela s’appelle un retour de manivelle de première classe pour la communauté des collectionneurs et créateurs de poupées. Mattel n’est d’ailleurs pas étranger à la création d’un tel comportement en créant des modèles impossibles à acquérir pour le commun des mortels et donc à susciter les réactions de frustration ou même à « stariser » ses designers maison qui pourtant pompent allègrement et sans honte la haute couture française.

Le reflet de notre société est là : l’élite auto-proclamée qui se croit si intouchable qu’elle en devient inhumaine et la fange, nous, les collectionneurs tout juste bons à consommer sans poser de questions.

Le monde de l’enfance est un monde perdu abandonné aux vents de la jalousie et de la vantardise. J’aime encore croire que tout ceci n’est qu’une drôle de blague carambar, le calembour du papier se jette, reste la friandise fondante et réconfortante que l’on aimera toujours.

Crédit photo : Pure People, Abaca